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Domaine(s) connexe(s) : Sciences humaines et sociales
Agathe Giraud
Université Polytechnique Hauts de France
Publié le 7 janvier 2022 DOI : 10.21494/ISTE.OP.2021.0767
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, en marge des troubles multiformes qui agitent l’Europe, la France livre une véritable « guerre des moutons » à l’Angleterre et à l’Espagne pour la domination lainière du continent. Constatant que la qualité des toisons françaises laisse à désirer, ce qui a pour conséquences d’assujettir le pays aux monopoles britannique et hispanique, les gouvernements s’allient aux élites savantes dans l’espoir de mener une immense entreprise d’amélioration des laines du cheptel local. Mais quand, depuis des siècles, on juge de cette qualité, et en particulier du critère déterminant de la finesse des fibres, au simple toucher et à l’oeil nu, comment déterminer avec certitude si les laines obtenues égalent celles des royaumes voisins ? La réponse doit venir des sciences. Car, à une époque où la France compte près de 800 types de mesures différentes, il devient désormais fondamental de pouvoir calculer avec précision la finesse des laines indigènes, pour la comparer avec celle de ses concurrentes. Les sciences du vivant et de la mesure doivent devenir le socle sur lequel viendraient s’appuyer un élevage et un commerce des laines repensés, raisonnés, systématisés, mieux adaptés à la demande des consommateurs et répondant aux besoins économiques du pays.
During the second half of the 18th century, on top of the numerous conflicts that were disrupting Europe, France was engaged in a “wool war” with Spain and England for control over the continent’s fleeces. French governments acknowledged that the quality of local wool was lower than that of their neighbors, which meant France was having to depend on both British and Spanish supplies, endangering its drapery industry and economy. Political elites thus decided to ally with French scientists in the hope of vastly improving the quality of French wool. However, since wool quality, particularly wool thickness, had for centuries only been assessed with the help of sight and touch, how would French manufacturers know for sure that the improved fleeces would meet the standards of their competitors? The answer had to come from science. At a time when around 800 different measuring units were being used simultaneously all over the country, it was now crucial to develop a calculation system that would allow French drapery workers to measure wool thickness precisely and compare it to the fleeces from Spain and England. Life sciences and metrology had to become the foundations upon which a renewed and reasoned sheep farming concept and expanding wool trade could be built.
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