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Cet article est l’introduction du dossier « Innovations et innovateurs, quelles trajectoires ? » volume 2 qui compose ce numéro de Technologie et Innovation. Il fait suite au volume 1 qui était centré davantage sur l’innovation que l’innovateur. Dans ce volume également, nous sommes conduits à souligner que l’un et l’autre ne sont pas toujours facilement identifiables. Mais, est-ce vraiment important quand l’objectif est d’attirer l’attention du lecteur sur quelques faits importants qui ont marqué l’histoire de techniques. Notre objectif est en effet de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.
La pince à linge, un objet technique banal, a été brevetée en 1853 par David M. Smith, inventeur et entrepreneur de la petite ville de Springfield dans le Vermont. A partir de sa biographie, l’article examine les déterminants techniques et socio-économiques d’un objet technique qui a fait l’objet de plus de 2 000 brevets en un siècle et demi aux Etats-Unis et constitue une icône de l’inventivité américaine.
Considérée comme « inventions révolutionnaires » de l’industrie du gant, la main-de-fer et la création de pointures de mains dans les années 1830 ont apporté une grande renommée à Xavier Jouvin (1801-1844), inventeur héroïsé qui suscite toute une littérature dès la fin du XIXe siècle, faisant de l’ombre aux innovations introduites dans la branche à l’initiative de Maisons de ganterie dès le dernier quart du XIXe siècle. Au début du XXe siècle, la recherche d’innovations dans la gamme de produits mis sur le marché s’intensifie à l’heure où le gant de peau, devenu banal, n’attire plus autant qu’au siècle précédent. Des entreprises de ganterie se dotent de laboratoires de recherches et de bureaux d’études afin de favoriser le progrès technique. Elles intègrent à leurs effectifs chimistes et ingénieurs, à l’image des époux Szmukler travaillant pour les Établissements Reynier dans les années 1920, identifiables sur les brevets et dans la presse technique.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, en marge des troubles multiformes qui agitent l’Europe, la France livre une véritable « guerre des moutons » à l’Angleterre et à l’Espagne pour la domination lainière du continent. Constatant que la qualité des toisons françaises laisse à désirer, ce qui a pour conséquences d’assujettir le pays aux monopoles britannique et hispanique, les gouvernements s’allient aux élites savantes dans l’espoir de mener une immense entreprise d’amélioration des laines du cheptel local. Mais quand, depuis des siècles, on juge de cette qualité, et en particulier du critère déterminant de la finesse des fibres, au simple toucher et à l’oeil nu, comment déterminer avec certitude si les laines obtenues égalent celles des royaumes voisins ? La réponse doit venir des sciences. Car, à une époque où la France compte près de 800 types de mesures différentes, il devient désormais fondamental de pouvoir calculer avec précision la finesse des laines indigènes, pour la comparer avec celle de ses concurrentes. Les sciences du vivant et de la mesure doivent devenir le socle sur lequel viendraient s’appuyer un élevage et un commerce des laines repensés, raisonnés, systématisés, mieux adaptés à la demande des consommateurs et répondant aux besoins économiques du pays.
En avril 1998, Tony Blair, alors premier ministre britannique, décide de mettre en oeuvre le dossier médical électronique. Pour ce faire, il débloque 700 millions de livres pour les trois années à venir. Sa généralisation est alors prévue pour 2004, horizon qui ne sera pas tenu. La mise en place d’un tel dispositif est intéressante à retracer, son fonctionnement actuel est impressionnant. La généralisation de ce dispositif permet une modification des comportements de production et de consommation de soins. Quant au dossier médical partagé (DMP), il commence seulement à prendre corps en France. Annoncé pour 2007, il ne se met en place que timidement en 2017, soit avec 10 ans de retard. Il est loin d’égaler son homologue britannique. Il ne s’agit en fait que d’un carnet de santé numérique, bien loin des ambitions données au dossier britannique. Quels enseignements le système de santé français peut-il tirer d’une telle expérience ?
L’article analyse la politique d’entreprise de la société Ansaldo de Gênes sous la direction des frères Bombrini, entrepreneurs innovants et dynamiques. Leur direction a placé Ansaldo au sommet de la production navale et mécanique nationale. Ce secteur, particulièrement stratégique à la fin du XIXe et au début du XXe siècles, nécessitait des investissements massifs, qui étaient prévus pour réaliser des projets visant non seulement à réaliser une structure verticale du processus de production, mais aussi à permettre à Ansaldo de mesurer sa propre capacité dans un secteur spécialisé tel que l’industrie navale-mécanique. Les frères Bombrini ont commencé à se tourner vers les marchés étrangers afin de créer des nouvelles perspectives de succès pour les produits de l’entreprise. Cette décision a été prise surtout compte tenu des effets de plus en plus négatifs que la crise avait dans le secteur de la métallurgie, provoquée par le désengagement progressif du gouvernement dans les commandes militaires. Cet article repose sur l’étude de la documentation des archives et d’une bibliographie dense.
L’article permet de montrer l’imbrication des innovations techniques, sociales, organisationnelles et réglementaires qui ont rythmé l’histoire du pain, aliment de base dans plusieurs civilisations. En retraçant le développement de ce produit à travers les millénaires, nous évoquons les évolutions sociales qui ont accompagné les innovations techniques dans le domaine agronomique et dans le domaine de la transformation, pour aboutir au système industriel que nous connaissons aujourd’hui. Deux exemples récents, que nous considérons comme emblématiques des évolutions actuelles, suggèrent que cette dynamique d’innovations s’est développée dans une trajectoire particulière, qui se traduit aujourd’hui par une standardisation de la filière de panification et un risque de verrouillage technique et organisationnel.
En guise de conclusion des deux volumes de Technologie et Innovation sur les trajectoires d’innovations et d’innovateurs, cet article propose en contrepoint une brève réflexion sur les innovations sans innovateur, les inventions sans inventeur, à l’échelle du temps long de l’histoire, à partir de trois exemples : la néolithisation, le moulin et le conteneur.
2024
Volume 24- 9
Les filières de production dans la bioéconomie2023
Volume 23- 8
Intelligence artificielle et Cybersécurité2022
Volume 22- 7
Trajectoires d’innovations et d’innovateurs2021
Volume 21- 6
L’innovation collaborative2020
Volume 20- 5
Les systèmes produit-service2019
Volume 19- 4
L’innovation agile2018
Volume 18- 3
Innovations citoyennes2017
Volume 17- 2
Innovations de mobilité. Transports, gestion des flux et territoires2016
Volume 16- 1
Stimulateurs de l’entrepreneuriat innovant