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Au cours de leur histoire, art et science se sont fréquemment entremêlés en une symbiose féconde, se nourrissant l’un l’autre, l’art s’inspirant des formes et régularités proposées par la Nature, et les scientifiques illustrant les phénomènes et organismes qu’ils étudient en laissant souvent transparaître l’émotion suscitée par ces objets eux-mêmes. Les scientifiques, comme les artistes, sont guidés par l’inspiration à une étape ou une autre de leur processus de création, et ne sont jamais meilleurs que lorsque la passion les guide pour choisir et explorer les sujets de leurs choix. Le travail sur commande est rarement leur fort. Certains scientifiques ont été de véritables artistes. Leonard de Vinci vient immédiatement à l’esprit, mais on pense également à Ernst Haeckel.
Henri de Lacaze-Duthiers (1821-1901), célèbre professeur de zoologie du XIXe siècle, est connu comme pionnier de la zoologie expérimentale, pour son enseignement au Muséum et à la Sorbonne ainsi que pour avoir fondé les stations marines de Roscoff et Banyuls-sur-Mer. Mais il se distingue aussi par ses dessins naturalistes de la faune marine. Alors que certains de ses collègues cédaient à la tentation d’embellir le résultat de leurs observations, il privilégiait une représentation particulièrement précise des créatures marines. Les détails minutieux de ses dessins révèlent des caractéristiques anatomiques cruciales des organismes marins, et ont ainsi contribué à l’avancement des connaissances sur la biodiversité marine. Mais l’esthétique de ces dessins dépasse largement leur vocation scientifique, suscitant aujourd’hui l’admiration. La finesse du trait, le souci des ombres, la richesse des coloris, l’élégance des formes traduisent l’émotion artistique de leur auteur, fasciné par la beauté des créatures qu’il représentait. Henri de Lacaze-Duthiers était également un expérimentateur qui améliorait les techniques d’illustration scientifique, comme le révèlent ses expériences sur l’usage de la couleur pourpre d’origine animale ou de la chromolithographie pour l’édition scientifique. Il a innové également dans l’illustration scientifique de ses cours, en s’intéressant aux appareils de projection, et a fortement soutenu le développement de la photographie scientifique. Henri de Lacaze-Duthiers trouve ainsi toute sa place parmi les scientifiques du XIXe siècle reconnus non seulement pour leur goût pour les nouveaux médias partagés entre artistes et scientifiques, mais aussi pour la qualité esthétique de leurs travaux. Découvrir son oeuvre nous invite à réinventer et à retrouver avec émotion la connexion de l’homme avec la nature que ces premiers explorateurs ressentaient puissamment et qu’ils exprimaient avec virtuosité dans leurs dessins.
Édouard Chatton (1883-1947) est un biologiste majeur de la première moitié du 20e siècle qui a consacré sa vie à l’étude des êtres microscopiques qui peuplent toutes les eaux de la planète, les protistes. D’abord chercheur à l’Institut Pasteur, il est ensuite professeur des universités à Strasbourg, à Montpellier et à la Sorbonne. Il dirige les stations marines de Sète puis de Banyuls-sur-Mer. Il accumule les découvertes qui fondent la biologie cellulaire moderne et conceptualise la distinction du monde vivant entre procaryotes et eucaryotes. Ses figures scientifiques révèlent son remarquable talent de dessinateur et de coloriste. Édouard Chatton est aussi peintre amateur, maîtrisant avec dextérité la peinture à l’huile, l’aquarelle et le pastel. La recherche artistique du peintre influe-t-elle sur les illustrations scientifiques réalisées par le chercheur ? Les objets d’études du scientifique irriguent-ils la démarche esthétique du peintre ? Si les deux types de pratique, dessins scientifiques et tableaux du peintre amateur, ne semblent pas s’interpénétrer, il est un troisième type de réalisation beaucoup plus troublant. Il s’agit de grandes planches cartonnées recouvertes de dessins, destinées à illustrer les cours d’Édouard Chatton en amphithéâtre. Ces planches, harmonieuses, colorées de façon surprenante, emplies de formes ondulantes, étranges et énigmatiques, sont chargées d’une merveilleuse beauté et dégagent une séduction esthétique immédiate. Les découvrir est une occasion originale d’aborder la question de la convergence entre art et science.
Le microplancton, organismes aquatiques dérivants au gré des masses d’eau, joue un rôle crucial dans le fonctionnement de notre planète. L’observation de sa diversité et de sa beauté époustouflante m’a conduit, après une dizaine d’années, à capturer plus de 3000 images numériques, dont certaines ont participé à des concours, expositions ou supports de communication.
L’objectif de cet article, en mariant Science et Art, est d’illustrer à travers quelques exemples, la diversité de perception de la beauté des microorganismes phytoplanctoniques à des échelles d’observation allant de la molécule à l’espace.
La majeure partie de la biodiversité animale se trouve dans le milieu marin, et, plus particulièrement, dans la gamme des animaux de très petite taille, invisibles à l’oeil nu. Ces petits animaux, ou les embryons et larves d’animaux plus grands, sont souvent transparents et l’observation en lumière blanche permet de définir leurs contours mais ne suffit généralement pas pour comprendre leur organisation. Ces organismes sont formés de tissus, eux-mêmes formés de cellules, agencés d’une manière bien particulière en fonction de l’espèce ou du stade de développement. Les cellules elles-mêmes présentent une architecture complexe associant différentes structures comme le noyau ou le cytosquelette. Pour comprendre l’agencement des cellules à l’intérieur de ces animaux marins, les marquages fluorescents sont devenus des outils puissants et indispensables. Le développement de microscopes spécifiques permettant d’imager la fluorescence et les outils numériques permettant l’analyse des images obtenues et la création de reconstructions tridimensionnelles des structures observées offre aujourd’hui une possibilité incroyable de décrire l’organisation fine des organismes marins. Ces approches génèrent des images d’un esthétisme certain, et mêlent ainsi l’apport d’informations d’intérêt scientifique à la poésie d’une imagerie naturaliste renouvelée.
Cette brève chronique combine des éléments descriptifs et informatifs pour présenter l’activité des xylophages dans la transformation du bois en mer. L’accent sur l’esthétique et la fonctionnalité des petites structures qu’ils fabriquent et l’inclusion d’analogies avec le génie civil confère au texte une tonalité récréative.
Cette contribution explore le concept de « forêt animale » comme un concept fertile pour la collaboration entre arts et sciences. Nous y exposons et analysons une expérience en réalité virtuelle « Un voyage dans les forêts animales » que nous avons conçue. L’expérience propose une immersion dans différentes forêts animales sous-marines, utilisant un dispositif 3D pour permettre aux spectateurs de percevoir les habitats marins à une échelle non anthropocentrée. Cette approche, combinant arts et sciences, vise à sensibiliser le public au concept de forêt animale dont nous soulignons l’importance pour la conservation marine. La collaboration entre arts et sciences ouvre des possibilités d’exploration interdisciplinaire et contribue à une meilleure compréhension des relations entre les humains et le monde marin.
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