exit

Sciences humaines et sociales   > Accueil   > Educations   > Numéro

Vol 7 - Numéro 1

Educations


Liste des articles

Perspectives pour une éducation au temps probable de l’Anthropocène : pour une didactique de la durabilité, nouvel outil de socialisation scientifique
Jean-Marc LANGE, Angela BARTHES

Alors que les débats médiatiques sur l’Ecole oscillent entre course aux réformes, retour à une radicalité ou encore à une école républicaine antérieure fantasmée, et que les didactiques - les domaines de recherches et de pratiques qui visent à faire le « pont » entre les sciences à visées explicatives et l’appropriation de leurs résultats par des publics variés -s’enferment trop souvent dans des débats et dérives technicistes, il y a urgemment besoin de penser aussi les changements attendus du point de vue des contenus en vue de contenir la crise endémique de l’école contemporaine confrontée à une perte de sens et de finalités claires. La science de la durabilité comme courant académique émergent interpelle alors les didactiques des disciplines scolaires existantes au niveau de leurs contenus et méthodes dans une nécessaire mise à jour et en correspondance avec ces évolutions académiques. Elle offre à ces disciplines et à leurs didactiques l’occasion de leur renouvellement.


L’éducation au temps de l’anthropocène : permanences, ruptures et spécificités des recherches face aux crises écologiques et climatiques
Angela BARTHES, Bruno GARNIER, Jean-Marc LANGE

Nous nous interrogeons sur les apports spécifiques de cette éducation au temps de l’anthropocène face aux crises écologiques et climatiques dans le panorama des éducations environnementales d’une part, et des recherches en éducation d’autre part. L’entrée en scène du courant de l’éducation au temps de l’anthropocène se positionne entre les éducations à, qui sont une résultante de la commande politique aux systèmes éducatifs mondiaux, et les questions socialement vives qui correspondant à un courant de recherche centré qui renouvelle le rapport sciences-société dans l’enseignement. Entre permanence, rupture et continuité, les éducations au temps de l’anthropocène interrogent la forme scolaire, la prise en compte des contextes et des territoires et les légitimités curriculaires.


Évolutions curriculaires de l’enseignement supérieur européen : Un point de vue juridique sur le processus « dit » de démocratisation
Jean-Marc Lange, Muriel Guedj, Xavier Fressoz

Dans une économie fondée sur la connaissance, le domaine de l’enseignement supérieur est fortement sollicité. Il s’agit d’assurer une forte capacité de production d’innovations compétitives au niveau mondial. Ce contexte géoéconomique bouleverse les enjeux éducatifs en exigeant des citoyens d’élever leur niveau de compétences et de savoirs dans une logique de performance. Cette étude tend à montrer comment l’Union européenne s’appuie sur les curricula pour transformer la démocratisation de l’enseignement supérieur en un processus de sélection du capital humain. Elle tend à exposer que la fragmentation curriculaire est une stratégie qui puise sa légitimité dans la fiction méritocratique, favorisant en arrière-plan une massification des ressources humaines qualifiées dans une perspective de soft power du modèle européen de société de la connaissance.


Enjeux politiques de l’internationalisation des curricula de l’enseignement supérieur. Regards croisés autour du programme Erasmus + pour les réserves de biosphères
Angela BARTHES, Jean-Marc LANGE, Bruno ROMAGNY, Mohamed ADERGHAL

Dans un contexte de mondialisation, l’enseignement et la formation sont des vecteurs de diffusion de savoirs académiques standardisés, visant à faire adhérer les nations et institutions aux mêmes valeurs et référentiels curriculaires. Cet article met à jour les enjeux politiques de l’internationalisation des curricula via les programmes ERASMUS s’adressant à des pays tiers. Nous appréhendons cette interrogation à travers une étude de cas, le programme EduBiomed, qui s’intéresse à la formation universitaire des acteurs de réserves de biosphère méditerranéennes. Nous analysons les stratégies d’internationalisation de l’Union Européenne, les enjeux managériaux de la formation et de la recherche via les projets, ceux du pluriculturalisme dans la formation, et de la fragmentation curriculaire à l’oeuvre.


Éducation à l’environnement en milieu rural : quel rôle pour les agriculteur.rice.s ?
Perrine Devleeshouwer

Cet article interroge le rôle que peuvent jouer les agriculteur.rice.s dans l’éducation à l’environnement visant une transition écologique. Considérant qu’il s’agit d’acteur.rice.s clés des controverses environnementales, il postule que l’étude des pratiques pédagogiques qu’ils.elles développent peut contribuer à renouveler les perspectives sur l’éducation à l’environnement et leur mise en oeuvre. Partant d’une démarche inductive et exploratoire, il décrit et cherche à comprendre ces pratiques pédagogiques. Il démontre que, pour ce faire, la compréhension du système de production est indispensable. Par cette double description des pratiques agricoles et pédagogiques, cet article souligne le rôle important des agriculteur.rice.s promouvant un système respectueux de l’environnement dans la transition écologique territoriale. En conclusion, il souligne les limites de ces pratiques qui comportent peu de dimensions collectives, qui demeurent centrées sur la modification de comportements individuels et sur un public touristique.


Leviers et entraves au développement d’un territoire apprenant en agroécologie en vue d’un curriculum possible et pertinent au temps de l’anthropocène : Étude de cas en Tunisie
Dawser ZINEDDINE, Hamed KHADEM, Abdelaziz KHOUDI, Jean-Marc LANGE

Cet article vise à mettre à jour les principaux leviers et obstacles au développement d’u territoire apprenant en agroécologie, en vue de la détermination des principales balises nécessaire à l’élaboration de curriculums scolaires et de formation pertinents. Cette mise en correspondance des curriculums existants avec les évolutions sociétales dans les lieux et modalités de production de savoirs est rendue nécessaire en vue d’armer les territoires à relever les défis de notre entrée probable au temps de l’Anthropocène. L’article s’appuie sur des études de cas menées en Tunisie. Elles permettent d’envisager le renouvellement des curricula scolaires et de formation agronomique au moyen d’un référentiel robuste.


L’éducation formelle et non formelle au patrimoine local : valeurs et conflits de valeurs. Le cas de la vallée du Queyras
Sylviane Blanc Maximin

La contribution questionne le possible conflit de valeurs présent dans un projet d’éducation au patrimoine local. L’étude présentée est issue d’un partenariat local entre l’Éducation nationale et un parc naturel régional des Hautes-Alpes. Elle a pour ambition d’identifier si un conflit de valeurs, dans le cadre d’une éducation au patrimoine local chez des élèves d’école primaire, conduit à faire émerger et transmettre aux élèves des valeurs parfois contraires à l’idéal de l’École républicaine française. Les divers éléments axiologiques ont été recueillis par l’analyse de la Charte d’un parc naturel régional, de la documentation sur l’objet patrimonial concerné, des textes officiels de l’Éducation nationale, des traces produites par la classe et des entretiens avec les élèves puis avec l’enseignante. Les composantes axiologiques de ce type de projet montrent la diversité et la complexité de cet ensemble de valeurs mises en jeu. Du point de vue des valeurs identitaires, un conflit de valeurs a été créé alors qu’il n’existait pas, bien au contraire, dans le texte du projet.


« Faisons-nous entendre » : l’activisme climatique des enfants dans une forêt locale
Clementina Rios, Alison Laurie Neilson, Isabel Menezes

Ce travail vise à comprendre les conditions d’émergence d’une conscience écologique en étudiant le potentiel des dispositifs participatifs dans l’activisme des enfants, en cherchant à comprendre comment ces dispositifs problématisent et comment ils abordent les questions environnementales de la forêt locale au Portugal. L’activité pédagogique ici décrite a impliqué pendant trois mois consécutifs vingt-deux enfants de dix ans, scolarisés en quatrième année du premier cycle de l’enseignement primaire, dans des moments de participation interactive et dans une logique d’action-réflexion. Sur la base d’une approche de type communautaire, les enfants ont étudié la forêt locale et ont été impliqués dans un processus d’exploration des problèmes et de recherche de solutions aux problèmes qu’ils ont identifiés comme pertinents. Les données ont été recueillies au moyen de divers dispositifs : journaux de bord, dessins et projets élaborés par les enfants ; photographies, vidéos du processus et les notes de terrain de l’enquêtrice contenant des enregistrements de discussions conjointes avec les enfants et de conversations informelles avec les familles ; des entretiens semi-directifs avec les enseignantes. L’analyse montre que les enfants jouent le rôle d’agents environnementaux avec des pratiques militantes, par exemple des actions collectives qu’ils ont développées dans la forêt. On note aussi la formulation de demande de partenariats dans la communauté pour la résolution de problèmes environnementaux locaux et l’organisation d’une manifestation dans la communauté, pour se faire entendre. L’apprentissage dans les forêts a non seulement permis aux enfants de prendre conscience de l’impact de la vision anthropocentrique dominante sur la durabilité, mais les a également motivés à mettre en oeuvre leur activisme environnemental.


Comment articuler éducation formelle et éducation non formelle pour éduquer à l’écocivisme ? Exemple d’un jardin partagé au collège en SEGPA
Bruno Garnier, Valérie Mondoloni Moreno

Après avoir présenté le cadre théorique de la question du sens des termes « éducations formelles », « informelles » et « non formelles » plus souvent employés que définis, l’article décrit la mise en oeuvre d’un projet pédagogique appelé « jardin partagé », mené en classe de SEGPA dans un collège situé en milieu rural. Il s’agissait de créer un espace où les élèves peuvent cultiver ensemble des fruits, des légumes, des fleurs et des plantes, en mobilisant un certain nombre de savoirs sur la biodiversité, la gestion des ressources, le cycle de vie des plantes et l’importance de l’agriculture durable. L’engagement des élèves dans le projet les a conduits à sortir de l’école et à se tourner vers d’autres sources de savoirs et de savoir faire que celle que la forme scolaire traditionnelle pouvait leur offrir. Dans une dernière partie, les auteurs reviennent sur l’enchevêtrement des modèles pédagogiques mis en oeuvre et sur leur signification. Il apparaît que le projet relève d’une éducation non formelle en ce qu’elle se situe au juste milieu d’un segment dont le curseur débute sa translation du côté de l’informel, emprunte les méthodes pédagogiques de l’enseignement non formel pour aboutir finalement à une formalisation des savoirs rendus ainsi transposables à d’autres contextes. Cette méthode semble particulièrement convenir à l’éducation au temps de l’anthropocène dans la mesure où elle forme des citoyens conscients des enjeux planétaires de leurs actes et capables de construire de nouveaux savoirs par eux-mêmes et grâce à la coopération et au partage avec d’autres.