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La notion de filière, développée par l’école française d’économie industrielle dans la seconde partie du 20e siècle, connait aujourd’hui un renouveau dans le contexte de la remise en cause de la fragmentation des activités économiques, de l’intérêt porté au développement durable et des progrès scientifiques et techniques qui ouvrent des opportunités pour l’émergence de filières ancrées sur les territoires. Ce numéro spécial de la revue Technologie et Innovation analyse ce renouveau des filières de production au prisme de la bioéconomie qui représente un champ d’activité s’appuyant sur la valorisation de la biomasse. Après avoir présenté les travaux fondateurs, cet article introductif analyse le renouveau des travaux dans le contexte particulier de la bioéconomie et développe les enjeux économiques, environnementaux et politiques du développement des filières de production biosourcées. La dernière partie présente les articles insérés dans ce numéro.
La substitution des ressources fossiles par des matières renouvelables sera au coeur des défis climatique et économique des prochaines années. Que ce soit pour la production d’énergie ou de produits manufacturés, les milliards de tonne de pétrole extraits chaque année devront être remplacés par l’exploitation à grande échelle de la biomasse. Du point de vue des contraintes environnementales, l’intensification de la production de la biomasse et son intégration au sein de la sphère bioéconomique ne sont pas sans écueils car en contradiction avec le développement durable et certains préceptes de l’éco-économie. Dans ce contexte, la massification de l’usage de la biomasse doit passer par la contribution de toutes les ressources locales et régionales. Le lin, fibre ancestrale et vertueuse, est un bon exemple d’une production durable à vocation à la fois territoriale et mondiale. Il offre des opportunités de développement économique important qu’un territoire comme la Flandre maritime française se doit de saisir.
Après avoir cédé leur place aux produits de synthèse entre les années 1930 et 1960, les huiles essentielles, connues depuis l’antiquité, reviennent en grâce. Ces dernières décennies, le marché des huiles essentielles a cru constamment grâce notamment à l’engouement pour les composés naturels. En effet, ces extraits de plantes aromatiques sont devenus des matières premières incontournables pour le développement de produits durables et éco-compatibles. Ceci est dû non seulement à leurs vertus aromatiques, mais également à leurs bienfaits polyvalents et à leur large spectre d’action contre les microorganismes, les insectes, etc. Cet article présente la renaissance et le développement du marché des huiles essentielles en mettant l’accent sur la filière française. Il s’attache ensuite à faire une synthèse des facteurs pouvant avoir une influence sur cette filière, tels que ceux déterminants pour l’élargissement de l’application des huiles essentielles dans l’aromathérapie, les industries alimentaire, pharmaceutique et cosmétique ainsi que les produits phytosanitaires. Il examine également les contraintes qui pourraient affaiblir la filière, telles que les variations climatiques, l’envol des prix ou l’apparition de nouvelles règlementations sont également abordés. Enfin, il présente un aperçu rapide sur l’intérêt de l’encapsulation moléculaire dans les cyclodextrines afin de s’affranchir des limites liées aux propriétés intrinsèques des huiles essentielles.
Cet article examine la mutation de la filière historique française de production du chanvre depuis l’autorisation de la valorisation économique de la fleur de chanvre pour ses molécules : le Δ-9-tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD). Nous démontrons que les controverses sociotechniques et l’incertitude en place limitent les perspectives du concept de bioéconomie circulaire prôné par l’Union européenne souhaitant la valorisation de la plante entière. Nous combinons les théories de l’innovation et du dominant design pour comprendre la manière dont le mode de production historique fait face à ces pressions. Après un bref retour historique, le dominant design de la filière chanvre en France et son organisation de production en cascade inspirée de la filière bois est en premier lieu présenté. Puis, nous montrons ses différences avec la production dédiée à la valorisation des molécules d’intérêt issues de la fleur de chanvre. Deux résultats émergent de cette étude. D’une part, nous démontrons l’existence d’une nouvelle organisation de la production fondée sur une « production en cascade inversée » fonctionnant sur de nouveaux modèles productifs innovants. D’autre part, la mise en oeuvre d’une stratégie encourageant la bioéconomie circulaire et la quête du zéro déchet génère une cohabitation du dominant design historique avec un autre en émergence.
Le contexte actuel marqué par l’accélération du dérèglement climatique, la raréfaction des ressources et les tensions géopolitiques implique de revoir la stratégie énergétique française, en privilégiant la biomasse-énergie comme principale source d’énergies renouvelables. Les dépendances vertes longeant les routes françaises représentent près de 5 000 km², constituant ainsi un potentiel de biomasse encore non valorisé. Ainsi, considérer les bords de route comme gisement de filière durable de la bioéconomie nécessite un changement de pratiques, afin de mieux valoriser cette potentialité. Plusieurs études ont mis en avant l’importance des démonstrateurs territoriaux pour l’implémentation de pratiques et des filières émergentes. Dans cette perspective, cet article cherche à proposer un cadre conceptuel, pour l’implémentation d’un démonstrateur pour de la gestion durable des bords de route à des fins de valorisation, reposant sur le croisement des informations issues de la littérature sur les démonstrateurs et sur la filière durable.
La bioéconomie questionne les méthodes d’évaluation des performances des filières. Les méthodes traditionnelles très liées à l’économie industrielle restent polarisées par des indicateurs macro-économiques ou d’intégration intersectorielle. Elles rendent peu compte des coûts cachés ou externalités sociales et environnementales. Dans différents contextes, on observe un renouvellement des cadres méthodologiques d’analyse des filières pour compléter les indicateurs de performance économique par des indicateurs environnementaux et sociaux. Leur objectif est alors de mieux caractériser les structures susceptibles de rendre compatibles l‘activité économique, la justice sociale, et la diminution de l’empreinte de l’activité humaine. En compilant une synthèse bibliométrique et différentes études de cas de filières agricoles, alimentaires, bioéconomiques, nous documentons la nature des indicateurs environnementaux et sociaux référencés, les outils d’analyse utilisés et les limites de leurs usages dans le contexte des pays en développement.
La bioéconomie, dans son ambition de substitution du carbone fossile par du carbone renouvelable, est structurée par la création de filières biosourcées. Cependant, l’origine végétale d’une filière ne garantit pas sa durabilité. En considérant la filière comme méso-système, cet article explore la manière dont la durabilité, qu’elle soit considérée comme forte ou faible, est prise en compte dans la littérature académique sur la bioéconomie et les filières biosourcées. À partir du constat du manque d’intégration simultanée des dimensions sociales, environnementales et économiques des dimensions de la durabilité et de la faible quantité de travaux réalisés de manière holistique, nous proposons de mettre en place une méthodologie pour analyser et construire des chaînes de valeur biosourcées et durables en prenant appui sur les principes de l’éco-conception et de l’analyse du cycle de vie, en nous appuyant sur l’exemple de la création d’une micro filière de bourrache dans les Hauts de France.
2024
Volume 24- 9
Les filières de production dans la bioéconomie2023
Volume 23- 8
Intelligence artificielle et Cybersécurité2022
Volume 22- 7
Trajectoires d’innovations et d’innovateurs2021
Volume 21- 6
L’innovation collaborative2020
Volume 20- 5
Les systèmes produit-service2019
Volume 19- 4
L’innovation agile2018
Volume 18- 3
Innovations citoyennes2017
Volume 17- 2
Innovations de mobilité. Transports, gestion des flux et territoires2016
Volume 16- 1
Stimulateurs de l’entrepreneuriat innovant