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La problématique de ce numéro interroge les interactions entre les changements de modèles d’innovation, l’écologisation de la fonction de production et leurs conséquences sociales. Six processus d’innovation sont analysés respectivement dans les agricultures du Burkina Faso, Cameroun, Haïti, Madagascar Sénégal. Ces situations convergent en démontrant l’utilité pour le développement de modèles d’innovation collaboratifs qui adaptent les processus étudiés aux besoins locaux. Ces modèles impliquent plus d’engagement des politiques publiques d’innovation.
Cet article retrace la trajectoire de l’innovation du coton biotechnologique, connu sous le nom de Bacillus thuringiensis (Bt), au Burkina Faso. Il soutient que l’introduction de ce coton biotechnologique dans le système d’innovation agricole au Burkina Faso a entraîné un déplacement du contrôle de pouvoir des acteurs nationaux (industries, chercheurs, agriculteurs, Etat, société civile), en faveur d’acteur étranger (Monsanto) qui utilise sa position pour maximiser son gain économique aux dépens d’un grand nombre de petits agriculteurs et du système national de
recherche agricole. Cet article a utilisé le concept analytique de la théorie de l’acteur réseau, un concept qui provient de l’anglais Actor Network Theory (ANT) (CALLON 1986). Elle éclaire les complexités en reliant les acteurs. La méthode ethnographique, y compris l’entretien et l’observation a été utilisée pour reconstituer le système d’innovation de ce coton biotechnologique.
L’émulation née autour de la production des biocarburants a favorisé l’installation de projets biocarburant au Burkina Faso dans l’objectif de promouvoir le développement économique. L’enjeu de cette production a suscité l’installation d’un réseau d’acteurs oeuvrant dans sa promotion. Cette étude se propose de caractériser l’émergence du système d’innovation et de production de biocarburant ainsi que les trajectoires de développement observées. L’approche système d’innovation est mobilisée comme cadre d’analyse des conditions de développement de cette innovation. Les résultats soulignent que si les essais de production d’agrocarburants ont été effectués dans les années 80, le processus d’innovation sur les biocarburants n’a réellement émergé qu’au cours des 5 dernières années. Ils soulignent une faible interaction entre les acteurs mais aussi une méconnaissance des techniques de production. Un vide réglementaire est observé au niveau de ce secteur. L’ensemble de ces défaillances explique la situation toujours en émergence de ce système d’innovation biocarburant.
La région du Lac Alaotra est un des greniers à riz de Madagascar avec de nombreuses contraintes pédoclimatiques importantes. Dans une perspective de développement durable, des organismes de recherche ont mis au point des itinéraires techniques issus de l’Agriculture de Conservation (AC).La dissémination a été assurée de 2003 à 2013 par le projet de développement BV-Lac. Comme définie par la FAO en 2008, l’AC répond à trois principes : i) perturbation minimale du sol, ii) protection du sol par une couverture végétale, iii) rotation de culture et association de plantes qui impliquent un double changement de paradigme sur les techniques de cultures et les stratégies. Une enquête réalisée en 2013/2014 montre que depuis le démarrage du projet, les paysans ont su adapter ces techniques à la structure de leur exploitation pour répondre à leurs propres contraintes dans des processus d’appropriation aboutissant un continuum de pratiques entre conventionnel et AC mettant en exergue un long temps d’apprentissage et une recombinaison des savoirs.
Les politiques d’innovation dans les filières agricoles en Côte d’Ivoire depuis 2011 reposent sur la création d’un dispositif de transferts technologiques qualifié de "Plateformes d’Innovation", pour introduire des plants de variétés et d’hybrides améliorés. Cet article s’intéresse particulièrement aux conséquences des "Plateformes d’Innovation Banane Plantain" (PIP) dans la réorientation des choix technologiques locaux. Il interroge leurs résultats sur l’amélioration de l’indépendance alimentaire. Nous utilisons le cadre conceptuel des Systèmes Sectoriels d’Innovation (SSI) pour caractériser le fonctionnement de ces PIP. Nous identifions quatre composantes qui structurent ces innovations socio-technologiques : la composante recherche, la composante intermédiation, la composante chaîne de valeur et la composante financement. Nos résultats montrent que ces PIP restructurent le SSI car elles déterminent de nouvelles orientations des politiques publiques (recherches et innovation) dans le choix des cultivars introduits, des pratiques culturales et des préférences alimentaires, en intégrant la diversité géographique des bénéficiaires. Ces réorientations impliquent la prise en compte des besoins des producteurs et des consommateurs en matière de choix du matériel végétal. Le futur de ces PIP s’en trouve alors interrogé.
Le développement de la filière maraichère au Sénégal s’est appuyé sur des innovations techniques comme le motopompage, l’usage d’intrants, l’ombrière-filet, … Une enquête auprès de 22 maraîchers de l’agriculture familiale au sud des Niayes a montré la diversité des processus d’innovation et leurs déterminants. L’adoption de l’irrigation localisée (goutte à goutte) a été permise par les échanges entre des ouvriers des entreprises exportatrices de légumes et des
maraîchers de la même région. La promotion de l’usage d’intrants naturels (biopesticide, répulsif, fumure organique) répondant à un cahier des charges « agro-écologie » est assurée par une ONG. Enfin, différentes associations de cultures légumières ont été conçues et adoptées par des maraîchers innovateurs isolés pour répondre à la réduction de surface mais n’ont pas encore « diffusées ». Ces exemples mettent en évidence les capacités d’innovation et d’adaptation des producteurs ouest-africains. Ils nous interrogent sur le type de méthodes et d’outils à mettre au point pour accompagner ces processus sans limiter la créativité des agriculteurs ni la flexibilité et les performances des systèmes d’innovation locaux qu’ils ont pu créer.
Cet article montre comment le passage d’un modèle linéaire de l’innovation à un processus itératif, participatif et écologique modifie une technologie et permet de réaliser son adoption dans l’agriculture. Le cas d’étude est basé sur une technologie de multiplication de semences d’ignames en Haïti, la technique Miniset. Nous analysons l’évolution de cette technique au cours de la période 1990-2012 en mobilisant des entrevues avec 26 experts (chercheurs, techniciens, responsables d’ONG, agriculteurs…) et des enquêtes auprès de 106 agriculteurs dans trois bassins de production d’ignames en Haïti. Nous montrons comment l’échec d’un modèle linéaire de transfert de technologie a nourri l’implication des producteurs dans l’amélioration de cette technique et comment cette implication associée à l’écologisation de la technologie a ouvert la voie à l’adoption réussie de cette technologie. Cette réussite a été déterminante dans l’augmentation de la production d’ignames en Haïti et les revenus des producteurs.
2024
Volume 24- 9
Les filières de production dans la bioéconomie2023
Volume 23- 8
Intelligence artificielle et Cybersécurité2022
Volume 22- 7
Trajectoires d’innovations et d’innovateurs2021
Volume 21- 6
L’innovation collaborative2020
Volume 20- 5
Les systèmes produit-service2019
Volume 19- 4
L’innovation agile2018
Volume 18- 3
Innovations citoyennes2017
Volume 17- 2
Innovations de mobilité. Transports, gestion des flux et territoires2016
Volume 16- 1
Stimulateurs de l’entrepreneuriat innovant