Titre : Les plateformes de la gratuité marchande et la controverse autour du Free Digital Labor : une nouvelle forme d’exploitation ? Auteurs : Carlo Vercellone, Revue : Revue ouverte d’ingénierie des systèmes d’information Numéro : Numéro 2 Volume : 1 Date : 2020/04/15 DOI : 10.21494/ISTE.OP.2020.0502 ISSN : 2634-1468 Résumé : Le capitalisme cognitif et la révolution informationnelle sont allés de pair avec un effritement des frontières entre temps de travail et temps libre. Au centre de cette évolution se trouve l’essor du capitalisme des plateformes et notamment des plateformes de la « gratuité marchande » qui, à l’image de Google et Facebook, ont désormais conquis le premières places dans le classement des firmes mondiales en termes de capitalisation boursières et de rentabilité. Leur modèle de profit repose sur la logique des marchés multi-versants et associe la vente de la publicité en ligne et l’extraction des données des usagers. Ces derniers représentent ainsi à la fois le produit et les producteurs de la principale matière première à la base de l’organisation du marché publicitaire des plateformes de la gratuité marchande. C’est ce que l’on nomme le Free Digital Labor. Par ce concept on désigne le travail à la fois gratuit et apparemment libre qu’une multitude d’individus effectue sur internet, souvent inconsciemment, au profit des grands oligopoles du numérique et des data industries. La thèse du Free Digital Labor suscite une vive controverse. Elle est souvent rejetée au moyen de trois principaux arguments : ce serait, non le travail, mais le capital immatériel de l’algorithme qui, par un processus automatisé, extrairait et créerait l’essentiel de la valeur ; le Free Digital Labor échapperait non seulement aux critères canoniques du travail salarié, mais aussi à la définition anthropologique du travail vu comme une activité consciente et volontaire orientée vers un but ; les services gratuits offerts par les plateformes correspondraient à une rémunération en nature excluant tout rapport d’exploitation. Notre contribution se propose d’élucider les termes de ce débat et de répondre à ces objections par une analyse historique et théorique des mutations du rapport capital/travail intervenues sous l’égide du capitalisme des plateformes. Éditeur : ISTE OpenScience