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Les opérations de fouilles programmées et préventives effectuées sur l’aqueduc qui alimentait la cité gallo-romaine de Cahors (Divona) ont permis de mettre au jour des tronçons partiellement colmatés par des dépôts carbonatés. Ces dépôts présentent un faciès laminé et des variations d’épaisseur le long du tracé de l’aqueduc, selon la morphologie de ce dernier. L’étude récente d’une séquence de dépôts de 28 cm d’épaisseur présentée ici démontre l’entretien antique de la structure hydraulique par l’identification de traces anthropiques de nettoyage, parfois suivis de rechapages à l’aide de mortier de tuileau, dans les séquences sédimentaires.
L’étude archéologique récente de deux aqueducs antiques localisés dans le nord de la Gaule à Villenoy près de Meaux (Seine-et-Marne) et Reims (Marne) s’est accompagnée d’une analyse macroscopique et microscopique des concrétions calcaires situées sur les flancs du canal d’adduction d’eau. Le séquençage de ces concrétions, pourtant peu épaisses, permet tout de même de retracer des parties de l’histoire de ces monuments. Pour l’aqueduc de Villenoy, l’étude pétrographique confirme la succession chronologique de deux grandes phases et modes de fonctionnement. Dans cas de l’aqueduc de Reims, elle nous force à nous interroger sur le temps enregistré dans les concrétions préservées.
L’objectif de cette étude est de reconstituer les variations climatiques de la région de Nîmes et d’Arles à l’époque romaine en exploitant le contenu en isotopes stables légers (O, C) de cinq dépôts carbonatés provenant des aqueducs alimentant ces deux villes, actifs entre le 1er siècle et le 5e siècle de notre ère. Les observations en microscopie optique suggèrent une structure en lamines saisonnières, cohérentes avec des mesures de δ18O à l’échelle sub-annuelle. Le comptage des lamines donne des estimations de la durée de fonctionnement des aqueducs compatibles avec les données archéologiques. A partir de la mesure de l’épaisseur des lamines est élaboré un modèle d’âge qui permet de situer dans le temps les variations des rapports isotopiques de l’oxygène et du carbone. Malgré la présence de lacunes qui rend la corrélation des échantillons et la chronologie absolue des dépôts incertaines, un schéma des variations climatiques est esquissé du Ier au IIIe siècle de notre ère.
L’objectif de cet article est d’attirer l’attention des géoarchéologues qui travaillent sur les dépôts carbonatés des aqueducs sur l’intérêt de prendre en compte la réglementation juridique romaine qui en encadrait l’utilisation. La démarche est historiographique. Elle s’appuie sur l’étude de l’aqueduc de Nîmes, un aqueduc urbain, et sur celle de la branche sud de l’aqueduc d’Arles. Celle-ci a été affectée à un usage privé l’alimentation des moulins de Barbegal. Les propriétaires riverains d’un aqueduc public étaient autorisés à en utiliser l’eau contre une redevance. Ils avaient l’obligation légale d’entretenir le conduit et ses abords. La réglementation qui s’appliquait à l’aqueduc de Barbegal relevait du droit privé. Les caractéristiques et l’importance des concrétions de l’aqueduc de Nîmes dépendent autant d’une évolution naturelle que des interventions sur le canal pour des prises d’eau et pour son entretien. Dans le cas de l’aqueduc de Barbegal, l’observation des concrétions et leur analyse montrent (1) que les moulins n’ont pas fonctionné durant toute l’année, (2) que le bâtiment d’origine était couvert et que par la suite son toit ait été enlevé ou détruit, (3) que l’aqueduc a servi de réserve d’eau pendant ses périodes de fonctionnement.
Des traces de suie, témoignant d’activités humaines passées, sont parfois remarquées sur les parois des cavités, parfois également à l’intérieur de spéléothèmes. Ces dépôts, qui résultent de feux anthropiques, s’avèrent être un matériau particulièrement adapté aux études micro-chronologiques à très haute résolution. L’analyse microscopique d’encroûtements carbonatés de parois d’âges variés (Paléolithique moyen et supérieur) montre qu’ils ont conservé la trace de multiples occupations qu’il est possible de mettre en relation avec les unités archéologiques reconnues à la fouille. Les NMO (Nombre Minimum d’Occupations), généralement élevés, qui correspondent à chaque unité archéologique, attestent du caractère cumulatif de ces dernières. Chaque niveau enregistre alors un nombre d’occupations différent d’une unité à l’autre et illustre des rythmicités qui lui sont propres. Les perspectives de recherche sur les dépôts de suie sont diversifiées et laissent entrevoir la possibilité d’une étude de la mobilité des groupes humains passés suivant des résolutions jusqu’alors inégalées. On est de plus en droit de s’interroger sur le concept de « sol archéologique » et de « palimpseste » appliqué aux études spatiales en grotte et sous abri-sous-roche.
2019
Volume 19- 1
Numéro 1 : Les carbonates archéologiques, mémoire des activités anthropiques2021
Volume 21- 2
Numéro 1 :