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Techniques Structurales


 

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Les apports des techniques structurales à l’analyse des processus d’innovation

 

Krafft et al. (2011) représentent la structure et la dynamique d’un système sectoriel d’innovation – celui des biotechnologies – en utilisant les techniques de l’analyse des réseaux sociaux (Wasserman et Faust, 1994). Elouer-Mrizak et Picard (2016) mobilisent cette même représentation pour comprendre la dynamique de spécialisation intelligente des régions mise en oeuvre dans le cadre de la politique d’innovation européenne. Frigant et al. (2019) font de même pour étudier la formation d’un système technologique d’innovation – le véhicule à pile combustible – à l’échelle internationale sur la base des co-dépôts de brevets. Dans tous ces articles, une structure est dessinée sous la forme d’un réseau ou d’un « graphe » : des entités (représentant ici des technologies, des entreprises ou des régions) sont reliées entre elles par des liens (qui correspondent dans ces applications à l’existence de flux ou de relations).

Exemple d’un graphe dans le secteur des biotechnologies chez Krafft et al. (2011) construit sur des données de brevets. Les noeuds du graphe sont des technologies, les liens dénotent l’existence d’inventions combinant ces technologies, et l’épaisseur de ces liens indique l’intensité de ces combinaisons.

 

A ces représentations dites structurales sont associés de nombreux indicateurs dédiés. Les termes de « degré », « force », « densité », « proximité » (closeness), « connexité », « assortiment / homophilie », « centralité », « intermédiarité », et de nombreux autres propres à la sociométrie, ont permis de porter un regard neuf sur les enjeux associés à l’organisation et aux dynamiques territoriales et industrielles, aux pratiques et à l’organisation des activités d’innovation, à leur diffusion, leur qualité, et aux stratégies et politiques qui les soutiennent.


Deux grandes manières d’appréhender ces structures sont privilégiées dans la littérature. Les techniques structurales servent d’abord à étudier des flux au sein d’un réseau. Ces flux (physiques, monétaires, de connaissances) sont représentés sous la forme de liens dirigés de l’entité émettrice vers l’entité réceptrice (agents économiques, technologies, territoires : les « noeuds » du réseau) et pondérés par leur intensité. Elles servent également à étudier les cooccurrences de caractéristiques (la présence des mêmes combinaisons technologiques dans un portefeuille de brevets par exemple comme dans l’exemple de Krafft et al., 1991, ci-dessus). Ces cooccurrences sont représentées sous la forme de liens non dirigés et pondérés par leur nombre.


Au-delà de ces représentations traditionnelles, la sociométrie et, plus généralement, la « nouvelle science des réseaux » (Watts, 2004) constitue aujourd’hui encore une grande source d’inspiration pour enrichir la boîte des outils structuraux pour l’économiste.


L’objectif de ce numéro de TechInn est d’associer les points de vue des disciplines manipulant les graphes et les réseaux afin de dresser un panorama des techniques structurales et leurs champs d’application possibles en économie de l’innovation. Deux entrées peuvent être privilégiées :
1. Présenter de nouvelles techniques structurales et la portée de leurs usages dans ce champ disciplinaire. Désormais les physiciens, biologistes et ingénieurs se sont largement emparés des techniques structurales, les développent et les appliquent intensivement à l’étude de structures naturelles et artificielles. Existe-t-il un moyen de s’inspirer de ces nouvelles techniques pour mieux analyser les processus d’innovation ? Nous sommes particulièrement intéressés à combiner les points de vue disciplinaires autour des objets « graphes » et « innovation ».
2. Présenter de nouveaux cas applicatifs de ces techniques pour mieux comprendre des processus d’innovation et de diffusion de ces innovations. Dans les exemples présentés plus haut, les systèmes sectoriels et technologiques d’innovation sont des cas applicatifs de ces techniques. L’Office Européen des Brevets a publié récemment un rapport identifiant les technologies de ce qu’elle appelle « la 4e Révolution Industrielle » (OEB, 2017). Peut-on utiliser les données de brevets pour donner un contenu, et raconter une histoire autour, de cette révolution ? Peut-on utiliser les mêmes données pour étudier les processus de convergence industrielle et spatiales, pour quantifier le rôle que jouent les stratégies d’entreprises et les politiques publiques dans ces dynamiques ? Et d’autres données pour étudier les réseaux de partenariats, les phénomènes de coopétition industrielle et technologique, identifier dans l’entreprise ce qui relève d’innovations d’exploitation et d’exploration, les clusters, les coopérations entre chercheurs, etc. Les champs applicatifs semblent être aussi vastes que l’économie de l’innovation elle-même.

 

Référence

Elouaer-Mrizak S., Picard F. (2016), Dynamique technologique et politique régionale d’innovation : l’apport de l’analyse statistique des réseaux, Innovations, n° 50, p. 13-41.
Frigant V., Miollan S., Presse M., Virapin D. (2019, Quelles frontières géographiques pour les systèmes d’innovation technologique ? Une analyse par les co-brevets appliquée au véhicule à pile à combustible, Innovations, n° 58, p. 243-273.
Krafft J., Quatraro F., Saviotti P.P. (2011), The knowledge-base evolution in biotechnology : a social network analysis, Economics of Innovation and New Technology, vol. 20, p. 445-475. OEB (2017), Patents and the Fourth Industrial Revolution : The inventions behind digital transformation.
Wasserman, S., Faust, K. (1994), Social network analysis : methods and applications, Cambridge, Cambridge University Press.
Watts, D.J. (2004), The “new” science of networks, Annual Review of Sociology, vol. 30, p. 243-270.

 

Calendrier :
- Janvier 2020 : date limite de soumission des résumés
- Février 2020 : réponse des évaluateurs
- Mai 2020 : envoi des textes définitifs
- Juillet 2020 : acceptation finale


Porteur du projet : Didier LEBERT, Unité d’Economie Appliquée (UEA), ENSTA Paris, i3-CRG Ecole Polytechnique-CNRS.