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Action Participative


 

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Numéro spécial
« Recherche Action Participative, méthodologie des Sciences en société »

 

Coordonné par Bertrand Bocquet (Cnam/Université de Lille) et Sylvie Blangy (CNRS, CEFE UMR 5175)

 

Notre société se retrouve confrontée à des crises majeures sans précédent qui affectent les populations et les écosystèmes (changement climatique, perte de la biodiversité, accès aux ressources, crise économique, épidémie, …). Ces problématiques interrogent les sciences dans leur ensemble mais suggèrent également une implication plus grande de la part des citoyens. Si cette volonté s’affiche clairement au niveau des politiques publiques nationales et européennes, la participation citoyenne en recherche reste difficile d’une part, par une méconnaissance réciproque des mondes de la recherche et des organisations de la société civile, et d’autre part, par un déficit en matière de méthodologies de travail ou par des pratiques singulières limitant sa diffusion. Si la technologie est l’interaction entre science et technique, la socio-technologie est l’expression de l’interaction supplémentaire avec la société. Ce numéro se propose d’approfondir ce cadre méthodologique pour assurer une meilleure maîtrise sociale des technologies et contribuer à l’innovation responsable.


Les collaborations entre des chercheurs et des acteurs non professionnels de la recherche se sont renouvelées avec l’avènement du web collaboratif dit 2.0 au tournant des années 2010, notamment dans le champ des sciences participatives. Ces dernières font appel généralement à de nombreux bénévoles qui vont faire remonter des données vers les équipes de recherche. Les questions de recherche sont élaborées par les scientifiques, ainsi que les analyses et les interprétations. Les méthodologies déployées sont aujourd’hui très puissantes, notamment en termes de traitement statistique des données, et permettent de publier des articles scientifiques dans les meilleures revues des domaines concernés.


Un autre versant de collaborations concerne des questionnements provenant de la société civile issus de controverses sociotechniques. Les recherches à mener vont permettre de conforter un plaidoyer à porter auprès des institutions pour résoudre une situation problème ou pour améliorer une expertise propre développée au sein de la structure généralement associative. Des avancées en termes de connaissances se font jour si l’on pense par exemple à l’apport de certaines associations de malades ou d’associations environnementales. Les collaborations se tissent avec des chercheurs ouverts à un engagement vers ces acteurs qualifiant ces recherches comme ressortant du domaine des sciences impliquées.

 

Une catégorie intermédiaire plus récente promeut des recherches qui s’ancrent dans les grands défis sociétaux questionnés aussi bien par le monde de la recherche que par la société civile. De plus en plus de scientifiques s’ouvrent à la société et des initiatives ont commencé à impliquer davantage les citoyens selon des modes coopératifs. C’est le concept de sciences en société qui émerge où la problématique de recherche va être négociée avec une pluralité de chercheurs et d’acteurs. Cependant, dans leur grande majorité, les mondes de la recherche et de le société civile souffrent d’une méconnaissance réciproque et d’une difficulté à travailler ensemble dans un rapport de travail coopératif plus égalitaire. Pour y remédier, de nouvelles démarches et méthodologies de recherche doivent être élaborées.

 

Ce numéro s’adresse aux auteurs qui se situent dans le champ des sciences en société où il s’agit de coproduire avec le citoyen des projets de recherche adaptés dont le déroulement est caractérisé par une coopération permanente aboutissant à une meilleure compréhension des phénomènes et à l’élaboration conjointe de solutions, condition pour une acceptation sociétale efficace. Il se propose de cerner les méthodologies innovantes et les processus originaux déployés permettant la conjonction synchrone ou asynchrone de la recherche, de l’action et de la participation citoyenne.


Les outils et méthodes pour mener de tels projets existent et ont démontré leur efficacité. Ils sont réunis sous le vocable de Recherche Action Participation (RAP). Cette expression nous semble la plus adaptée pour désigner l’ensemble des dispositifs concernés, puisqu’elle admet toutes les variations dans les trois dimensions caractéristiques de ces approches (production de connaissances par la recherche, application à des problématiques concrètes dans l’action et implication des citoyens au travers de leurs participations actives à toutes les étapes du projet).

Pour mener des travaux en RAP, il convient de développer une ingénierie spécifique. L’approche choisie par le groupement de recherche PARCS est de s’appuyer sur les moyens habiles compilés, regroupés, explicités et ancrés dans un corpus théorique par Chevalier et Buckles (2019). Ce corpus évolue au gré des thématiques rencontrées, de la composition des collectifs de recherche et de l’hybridation avec d’autres modalités de l’enquête sociale. Des interrogations demeurent sur les façons de combiner et concilier ces approches pour cheminer sereinement.

Les projets de RAP sont basés sur des collectifs de recherche qui sont multidisciplinaires, multiacteurs et multiformes, et ils peuvent se dérouler dans des contextes de dissensus. Pour mener de tels projets, un accompagnement de ce collectif semble nécessaire. Sa teneur reste problématique puisqu’il faut aider l’équipe projet à cheminer et mener de front le « R » de la recherche, le « A » de l’action et le « P » de la participation. Les compétences à développer dépassent la seule fonction d’animation pour s’intéresser au développement d’une ingénierie de la co-production, de l’analyse et de l’interprétation des données jusqu’à la documentation du processus de recherche et la diffusion des résultats. Les niveaux d’intervention sont encore en questionnement soit à un niveau individuel avec par exemple les notions de tiers-veilleur ou de mediacteur, soit à un niveau plus structurel d’un dispositif. Une autre question importante à expliciter est relative à la posture des différentes parties prenantes engagées dans le collectif de recherche d’un projet de RAP.


Nous souhaiterions que les articles puissent s’imprégner et répondre à une ou plusieurs des interrogations listées ci-dessous :


LE « R » de la RAP :
Comment faire de la recherche de qualité reconnue scientifiquement par les pairs académiques en mode RAP ? Comment les coopérations chercheurs-acteurs peuvent-ils mener la collecte, l’analyse, l’interprétation et la valorisation des données en co-production dans les ateliers participatifs en présentiels ou en virtuels. Quelles sont les difficultés rencontrées et comment les surmonter ? Comment intensifier le « R » de la RAP dans les travaux et mieux valoriser les résultats des ateliers participatifs en mode Recherche ? Quelle est la nature et la valeur des connaissances co produites ?


L’accompagnement des projets de RAP :
Comment accompagner les projets de RAP, avec quels profils, quelles compétences, à quelles fins ? Quelles sont les expériences en cours (Tiers Veilleurs, Centre d’appui du programme Co Create à Bruxelles, Aide et entraide du GDR PARCS, Boutique des Sciences, ...) et quels sont les enseignements que l’on en tire ?


Les postures de la RAP :
Quel équilibre trouver entre les différentes fonctions et talents que requièrent la RAP (recherche, action, engagement, accompagnement). Y a-t-il des postures particulières pour chacune des fonctions ? Quelles sont les dissonances qui peuvent se développer entre le mandat que l’on nous a fixé, les valeurs que l’on défend, les compétences requises pour faire de la RAP ou acquises par la RAP ? Quelles sont les stratégies à adopter pour trouver un équilibre et une meilleure cohabitation entre les piliers de la RAP ?


Hybridation des méthodes :
Comment combiner et rendre compatibles les outils et les méthodes acquis par les sciences sociales ? Quelles sont ces approches qui font partie de notre patrimoine de chercheur, de consultant, d’associatif ? Peut-on puiser d’autres socles d’outils (intelligence collective, éducation populaire, pédagogie de projet, pédagogie active, classe inversée, design thinking, modélisation participative, jeux sérieux, mindfulnees, ) que l’on maîtrise pour faire de la RAP ? Quels sont les systèmes et dispositifs en accès libres que nous utilisons aujourd’hui pour faire de la RAP à distance ? Quels sont ceux que nous pourrions développer ?

Dispositifs stables et combo de techniques :
Quels sont les dispositifs stables que nous pratiquons dans notre communauté (intégrité scientifique, paradoxe, souffrance éthique au travail, transition énergétique, pêcheur/acteur) ? Avec quels outils RAP combinés ? Avec quelle finalité ?


Technologies numériques
Quels sont les systèmes et dispositifs en accès libres que nous utilisons aujourd’hui pour faire de la RAP à distance ? Quels sont ceux que nous pourrions développer ?


Calendrier :
-Soumission des résumés (1,5 page + bibliographie) : 30/09/2020
-Soumission des textes finaux : 30/03/2021
-Acceptation finale : 31/12/2021
-Parution : 2ème semestre 2022


Résumés et articles à envoyer à :
Bertrand BOCQUET, CNAM/Université de Lille, Bertrand.Bocquet@univ-lille.fr
Sylvie BLANGY, CNRS, CEFE UMR 5175, sylvie.blangy@cefe.cnrs.fr

 

Références principales
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BLANGY, S. 2017. Co-construire le tourisme autochtone par la recherche action participative et les technologies de l’information. Une nouvelle approche de la gestion des ressources et des territoires. L’HARMATTAN. ISBN : 978-2-343-05506-0- 664 pages
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